[Tribune] : « Suspension et réhabilitation des gouverneurs : procédure et enjeux en Droit administratif », (Dédé Watchiba)

Une.cd

28 Janvier 2024 - 19:34
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[Tribune] : « Suspension et réhabilitation des gouverneurs : procédure et enjeux en Droit administratif », (Dédé Watchiba)

Comme professeur de Sciences politiques et de Droit administratif, je suis particulièrement attristé par la manière dont on a géré le dossier de suspension et de « réhabilitation » de 4 gouverneurs des provinces (Kinshasa, Mongala, Équateur, et de Tshuapa) et j’estime que je ferais œuvre utile en donnant quelques éclaircissements scientifiques là-dessus. Mon livre intitulé « Autopsie du dysfonctionnement de l’Etat congolais – Leçons à tirer pour la gestion du pouvoir »  publié en 2021 avait déjà abordé cette problématique en long et en large.

Rappelons ici que ces gouverneurs avaient été suspendus en raison de leur invalidation par la CENI lors des élections de décembre dernier. Les accusations portées contre eux incluaient la fraude électorale, le vandalisme de matériel électoral et la corruption liée au scrutin du 20 décembre.

Avec tous ces revirements et volte-face observés dans la gestion de ce dossier, je fustige à la fois la précipitation,  le tâtonnement, les improvisations, les rétractations, qui semblent donner l’impression de naviguer à vue, de gérer sous l’émotion et de ne pas maitriser suffisamment la base juridique qui régit cette matière. Ce mélange de genre malheureux discrédite l’Etat et est révélateur d’un certain amateurisme inacceptable à ce niveau de responsabilité publique. Dans le même registre, un autre dossier qui défraie la chronique actuellement en RDC est l’affaire du nouveau DG de la RVA qui serait nommé par une ordonnance non signée par le chef de l’Etat.

Il me semble donc important de rappeler ici de manière très brève, et en français facile, quelques notions de base en Droit administratif à l’intention de nos dirigeants. Le côté technique de ces notions risque d’être rébarbatif pour la plupart de lecteurs. Je m’en excuse.

1. Compétence 

Un acte administratif unilatéral est un document juridique émis par une autorité administrative compétente. La compétence signifie que l'entité gouvernementale ou l'autorité administrative qui prend la décision a le pouvoir légal de le faire en vertu de la loi ou de la réglementation en vigueur. En Droit public, les compétences étant d’attribution, il est important de s'assurer que l'entité ou l'individu qui émet l'acte a l'autorité nécessaire pour le faire. Un ministre statue par voie d’arrêté, le président statue par voie d’ordonnance. Un ministre ne peut donc pas signer une ordonnance et statuer dans une matière qui relève de la compétence du Président de la République.

2. Forme 

Les actes administratifs doivent être rédigés avec soin et précision. Ils doivent respecter certaines règles de forme pour être valables. Cela peut inclure la nécessité d'un en-tête officiel, de la signature de l'autorité compétente, de la date, et d'une description claire de la décision ou de l'action envisagée. La forme peut varier en fonction du type d'acte administratif et de la législation locale. Est-ce un message télégramme est une forme juridique d’un acte administratif opposable à tous dans l’ordonnancement juridique congolais ?

3. Procédure 

La procédure pour élaborer un acte administratif peut varier selon le pays et le type d'acte concerné. Cependant, il est généralement nécessaire de suivre un processus administratif spécifique en conformité avec la hiérarchie des sources de Droit dans le pays. Cela peut impliquer la consultation de parties prenantes, la collecte d'informations pertinentes, l'évaluation des impacts, et le respect des délais légaux. La procédure garantit que la décision est prise de manière éclairée et conforme à la loi.

4. Finalité 

Tout acte administratif doit avoir comme finalité l’intérêt général. La finalité de l'acte doit être clairement définie dans le document et doit être conforme à l'objectif public poursuivi.

En résumé, un acte administratif unilatéral est un document juridique émis par une autorité administrative compétente, rédigé avec soin, suivi d'une procédure appropriée, et ayant l’intérêt général comme finalité précise. Il est essentiel que les actes administratifs respectent les règles de forme et de procédure pour garantir leur légalité et leur efficacité. Ces actes sont utilisés par les administrations publiques pour prendre des décisions et mettre en œuvre des politiques dans l'intérêt public.

Les recours administratifs et juridictionnels en Droit administratif 

En Droit administratif, les recours administratifs sont des mécanismes de contestation internes permettant de régler les différends avec l'administration, tandis que les recours juridictionnels sont des moyens de porter ces litiges devant les tribunaux pour qu'ils statuent sur la légalité des décisions administratives. Ces deux types de recours contribuent à garantir la protection des droits des citoyens et à assurer le respect de la légalité dans l'administration publique.

En droit administratif, l'effet suspensif des recours administratifs dépend généralement de la législation et de la réglementation en vigueur dans le pays spécifique. Dans de nombreux systèmes juridiques, l'introduction d'un recours administratif n'a pas automatiquement un effet suspensif sur une suspension administrative. Cela signifie que la décision de suspension reste en vigueur tant que le recours administratif est en cours d'examen.

Cependant, il existe des exceptions à cette règle, et certaines juridictions accordent automatiquement un effet suspensif à certains types de recours administratifs, notamment lorsque la suspension peut avoir des conséquences graves pour la personne concernée.
Pour connaître précisément les règles applicables en matière de recours administratifs et d'effet suspensif dans un contexte particulier, il est nécessaire de se référer à la législation et à la jurisprudence du pays en question. Les lois et les pratiques peuvent varier d'un pays à l'autre. 

1. Recours administratifs 
• Les recours administratifs sont des moyens de contestation des décisions administratives auprès de l'administration elle-même.
• Ils visent généralement à résoudre les litiges de manière amiable et à éviter un recours immédiat devant les tribunaux.
• Les recours administratifs peuvent être obligatoires avant d'introduire un recours juridictionnel dans certains cas.
• Ils sont généralement soumis à des délais et à des procédures spécifiques, et peuvent être dirigés vers l'autorité administrative qui a émis la décision contestée.

2. Recours juridictionnels :
• Les recours juridictionnels sont des moyens de contester les décisions administratives devant les tribunaux.
• Ils sont disponibles lorsque les recours administratifs ont échoué ou lorsque les parties estiment que leurs droits n'ont pas été respectés.
• Les tribunaux administratifs sont compétents pour examiner ces recours et décider de leur validité.
• Les recours juridictionnels peuvent être introduits par des particuliers, des entreprises ou même par l'administration elle-même pour obtenir un avis juridique sur une question spécifique.

3. Étapes des recours juridictionnels 
• Les recours juridictionnels passent généralement par plusieurs étapes, y compris la saisine du tribunal administratif compétent, la préparation des arguments et des preuves, l'audience devant le tribunal, et la décision rendue par le tribunal.
• Les décisions des tribunaux administratifs peuvent être sujettes à appel devant des instances judiciaires supérieures.

En conclusion, pour éviter toute forme de dysfonctionnement et éviter des situations de tâtonnement et de manque de maîtrise de la procédure, voici quelques conseils et étapes pour une gestion plus professionnelle des affaires administratives et des décisions :

1. Consultation des experts :
• S'appuyer sur des conseillers juridiques compétents pour fournir des avis juridiques précis et pertinents.
• Impliquer des experts en droit administratif dans l'analyse des décisions à prendre.

2. Élaboration de procédures internes :
• Établir des procédures internes claires pour la prise de décisions administratives, y compris la gestion des recours administratifs.
• Assurer la conformité aux lois et aux règlements en vigueur dans toutes les étapes du processus décisionnel.

3. Transparence et responsabilité :
• Communiquer de manière transparente avec le public et les parties prenantes concernées.

4. Formation du personnel :
• Veiller à ce que le personnel impliqué dans le processus de décision administrative soit bien formé et comprenne les procédures à suivre.
• Organiser des formations régulières sur les compétences, les attributions et les responsabilités du personnel.

5. Coordination interne :
• Collaborer étroitement avec d'autres ministères et organismes gouvernementaux pour assurer la cohérence des décisions administratives et des politiques gouvernementales.

6. Utilisation de l'expertise externe :
• Si nécessaire, faire appel à des experts externes, tels que des universitaires ou des consultants en droit administratif, pour résoudre des questions complexes ou controversées.

7. Évaluation des conséquences :
• Évaluer attentivement les conséquences possibles de chaque décision administrative sur la société et l'administration, en tenant compte des intérêts publics.

En suivant ces conseils et en mettant en place des procédures et des pratiques solides en matière de gestion des affaires administratives, un responsable politique ou administratif peut réduire le risque d'amateurisme et prendre des décisions plus éclairées et professionnelles. Cela permet également de renforcer la confiance du public dans le processus décisionnel gouvernemental.

Professeur d'Universités, Chercheur et Analyste politique, Dédé Watchiba

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