[Tribune] Braquages au Congo : le temps du sursaut collectif (Dan de Dieu Kayanda)

Dan de Dieu Kayanda

16 Oct 2025 - 16:43
16 Oct 2025 - 16:44
 0
[Tribune] Braquages au Congo : le temps du sursaut collectif (Dan de Dieu Kayanda)

Chaque nouveau braquage en RDC est un rappel brutal : notre sécurité, loin d’être garantie, vacille. Le dramatique assaut manqué ce 16 octobre 2025, à la Rawbank/Victoire, en plein cœur de Kinshasa, réveille encore une fois nos consciences. Heureusement, dans ce scénario effrayant, aucune vie n’a jusque-là été perdue, et les forces de l’ordre police, Garde républicaine, agents municipaux ont su encercler, contenir et reprendre le contrôle de la situation. Un travail de précision, une réaction digne d’un État responsable, et pour cela il faut saluer leur engagement.

Mais Kinshasa, comme d’autres coins du pays, a déjà connu plusieurs opérations censées renforcer la sécurité de « Pomme Rouge » à « Ndobo » sans pour autant produire les résultats escomptés. Malgré ces initiatives, les braquages se multiplient et la délinquance juvénile, les tristement célèbres Kuluna, continue de sévir. Cette persistance de l’insécurité montre que les réponses actuelles restent insuffisantes, souvent plus spectaculaires qu’efficaces.

Que faire ? Une action multisectorielle est urgente

1. Le Gouvernement doit assumer son rôle de garant  :
- Instaurer une stratégie nationale anti-violence urbaine, avec des financements dédiés, une coordination entre ministères (Intérieur, Sécurité, Justice, Budget),

- Lancer des enquêtes indépendantes pour identifier les commanditaires, y compris au sein des forces de l’ordre.  
- Rétablir la confiance par des réformes internes, une sécurité judiciaire efficace, et la protection des témoins.


2. La Police et les forces de sécurité : au-delà de la réaction, vers la prévention :

- Déploiement stratégique de patrouilles de dissuasion, surtout dans les zones sensibles en heures critiques,

- Systématisation des dispositifs renseignements / infiltration / filature contre les réseaux criminels,

- Supprimer les complicités internes ceux qui prétendent travailler « de l’intérieur » pour le crime doivent être identifiés et sanctionnés.


3. La population : de spectatrice à actrice de la sécurité. Elle doit :

- Se mobiliser, signaler tout comportement suspect anonymement si nécessaire,

- Créer des brigades de voisinage ou comités citoyens de sécurité (avec prudence et cadre clair),

- Affirmer que tolérance zéro à la collusion ou complicité locale ne pas protéger les criminels par lien familial ou communautaire.

4. Les lanceurs d’alertes, médias citoyens, activistes  doivent :

- Documenter, dénoncer, publier les liens entre suspects et forces de l’ordre,

- Protéger les sources, sécuriser les données : trop souvent, des révélations gênantes disparaissent ou se retournent contre les lanceurs,  

- Créer des plateformes où les victimes et témoins peuvent parler librement.


5. Le journalisme : mission de vérité et de rappel. Le journaliste doit :

- Couvrir les événements avec rigueur, sans sensationnalisme, mais en exposant les chaînes de responsabilité,

- Reporter sur les enquêtes, les audits, les procès liés à ces braquages,
 
- Maintenir une pression saine sur le pouvoir : un journaliste éthique est l’un des gardiens de la transparence.

*Quand la réalité dépasse la fiction : l’affaire Mboso Junior*

Rappelons les déclarations explosives de *Mboso Kazadi Junior*, fils d’un ancien garant de l’État, qui a claqué la porte de la police pour dévoiler un réseau de complicité : « certains policiers travaillent avec les criminels ». Ces mots jetaient un pavé dans la mare. Ils attiraient l’attention sur des dérives internes, des relents de corruption institutionnelle et une vérité qui dérange.  
Ce n’est pas une anecdote, c’est une alerte. Et ceux qui chuchotaient dans l’ombre doivent désormais être éclairés par le jour.

*Appel final : vers une sécurité responsable*

Ce braquage de Victoire/Rawbank est l’étincelle d’un réveil collectif. Le salut ne viendra ni d’une force seule, ni d’un murmure, mais d’un effort coordonné : gouvernement, police, population, médias, lanceurs d’alerte. Assumons tous notre part de responsabilité.

On réclame un Congo où l’argent ne craint pas la banque, où les enfants peuvent circuler sans peur, et où la justice ne se trahit pas elle-même.

Nous ne sommes pas condamnés à l’insécurité. Mais il est temps d’agir fermement, ensemble, sans illusion.


Dan de Dieu Kayanda
Journaliste

Dan de Dieu Kayanda Chrétien, journaliste professionnel et passionné, blogueur, chargé de communication, community manager, chercheur en data journalism, amoureux des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication.