[Tribune] : les voies de recours à la disposition de Joseph Kabila pour espérer obtenir la révision de sa peine (Orly-Darel Ngiambukulu)

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2 Oct 2025 - 10:28
2 Oct 2025 - 10:33
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[Tribune] : les voies de recours à la disposition de Joseph Kabila pour espérer obtenir la révision de sa peine (Orly-Darel Ngiambukulu)

Contrairement à ce que les communs des mortels pourraient penser, l'arrêt rendu par la Haute Cour militaire, condamnant Joseph Kabila à la peine de mort, n'est pas définitif à ce stade. Le condamné dispose encore d'une voie de recours ordinaire (l’opposition) et d'une voie de recours extraordinaire (le pourvoi en cassation).

Certes, l'arrêt rendu par la plus haute juridiction militaire du pays n'est pas susceptible d'appel. Il reste cependant ouvert à d'autres types de recours.

1. L’OPPOSITION

Pour avoir été absent durant tout le procès, ni lui-même ni ses avocats n’ayant comparu, Joseph Kabila a été condamné par défaut. C’est le cas où le prévenu, régulièrement cité, ne se présente pas à la barre et est jugé et condamné en son absence.

L'article 148 du Code judiciaire militaire dispose :
« Il est rendu par défaut lorsque l’inculpé, régulièrement cité, ne comparaît pas et n’est pas représenté par un conseil. »

L'appel n’étant pas possible, une seule voie de recours reste disponible pour Joseph Kabila afin d'espérer obtenir la révision de sa peine, voire son acquittement : l’opposition.

L'opposition est une voie de recours ordinaire, au même titre que l'appel. À la différence de ce dernier, qui consiste à soumettre le litige à l'examen d’un juge supérieur (juridiction supérieure), l'opposition permet au condamné défaillant de saisir la même juridiction afin de demander que l'affaire soit rejugée contradictoirement.

À ce sujet, l'article 151 CJM dispose :
« Le condamné par défaut peut former opposition. L’opposition est portée devant la juridiction qui a rendu la décision attaquée. »

Ainsi, dans le cas d’espèce, Joseph Kabila peut encore se prévaloir de son droit d'opposition. Encore faudra-t-il qu’il motive les raisons de son absence, étant donné que les exploits de justice (citations à comparaître) ont été régulièrement déposés à ses adresses et réceptionnés par les occupants trouvés sur place.

Pour exercer son droit de recours (opposition), conformément à l'article 151 et suivants du Code judiciaire militaire, Joseph Kabila dispose de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt ou de son arrestation – surtout que le verdict de la Haute Cour était assorti d’une décision d'arrestation immédiate.

Ce n’est qu’à l’expiration de ce délai, si l’opposition n’est pas exercée, que l'arrêt rendu par la Haute Cour militaire devient définitif.

La question du délai pour former opposition est réglée par l'article 152 CJM :
« Le délai d’opposition est de quinze jours à dater de la signification de la décision, si le condamné est à résidence connue, et à défaut, du jour de son arrestation. »

2. LE POURVOI EN CASSATION

Au cas où Joseph Kabila avait été jugé contradictoirement, c’est-à-dire s’il s’était présenté aux audiences ayant conduit à sa condamnation, il aurait disposé d’une autre voie de recours, cette fois extraordinaire : le pourvoi en cassation.

La Constitution de la RDC, en son article 156, alinéa 4, est claire :
« Les arrêts de la Haute Cour militaire ne sont susceptibles que de recours en cassation. »

En droit congolais, le pourvoi en cassation est une voie de recours extraordinaire qui permet de contester une décision rendue en dernier ressort (c’est-à-dire sans possibilité d’appel) devant la Cour de cassation.

Aux termes de l'article 153, alinéa 1-2, de la Constitution :
« La Cour de cassation connaît des pourvois en cassation formés contre les arrêts et jugements rendus en dernier ressort par les cours et tribunaux civils et militaires. »

Dans le cas d’un arrêt de la Haute Cour militaire, le pourvoi en cassation est donc possible, mais uniquement pour des questions de droit et non pour discuter à nouveau des faits ou des preuves.

Comparé à l'appel et à l'opposition (voies de recours ordinaires), le pourvoi en cassation ne remet pas en cause les faits ni l’appréciation des preuves. Il vise seulement à vérifier si la loi a été correctement appliquée et si la procédure a été respectée.

L'article 95 de la Loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire précise :
« La Cour de cassation connaît des pourvois pour violation de la loi ou de la coutume formés contre des arrêts et jugements rendus en dernier ressort par les cours et tribunaux civils et militaires. »

2.1. Les cas d’ouverture au pourvoi en cassation

Selon l'article 96 de la Loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013, un pourvoi en cassation peut être introduit dans les cas suivants :

1. Violation ou mauvaise application de la loi (par exemple, une mauvaise interprétation d’un texte) ;

2. Incompétence de la juridiction (le tribunal ou la cour n’était pas compétent) ;

3. Vice de procédure (non-respect des règles essentielles du procès, par exemple violation des droits de la défense).


2.2. Effets du pourvoi en cassation

Plusieurs conséquences peuvent découler de l'examen du pourvoi en cassation par la Cour de cassation :

A. Si la Cour rejette le pourvoi, la décision attaquée devient définitive.

B. Si la Cour casse la décision, deux cas de figure sont possibles :
soit elle renvoie l’affaire devant une autre juridiction du même rang pour être rejugée, soit elle casse sans renvoi (si l’erreur est purement juridique et peut être rectifiée directement).

Dans ce contexte, Joseph Kabila ne pourra former pourvoi en cassation qu’après avoir exercé son droit d’opposition. Si l’affaire est rejugée dans ce cadre et qu’il estime que la nouvelle décision est entachée de violations de la loi, il pourra alors se prévaloir de son droit au pourvoi.

Il ne pourra toutefois pas demander à la Cour de cassation de rejuger l’affaire sur le fond, mais seulement de contrôler la légalité de la décision attaquée.


3. RETOUR SUR LE PROCÈS

Joseph Kabila a été jugé pour participation criminelle aux actes commis par le mouvement terroriste AFC/M23 de janvier 2025 à ce jour. À la requête du ministère public et des parties civiles, la Haute Cour l’a reconnu comme parrain, voire auteur intellectuel, de tous les crimes graves commis par l’AFC/M23.

Dans son arrêt rendu le mardi 30 septembre 2025, la Haute Cour militaire a déclaré établies à sa charge les infractions suivantes : crimes de guerre par homicide intentionnel ou meurtre, crimes de guerre par viol, crimes de guerre par torture, rimes de guerre par attaques contre les biens protégés,
apologie ou propagande des crimes de guerre, trahison, complot et organisation d’un mouvement insurrectionnel.

Elle l’a condamné à la peine de mort pour chacune des infractions précitées, sauf pour le complot où elle a retenu 15 ans de servitude pénale principale. Faisant application de l'article 7 du Code pénal militaire, la plus haute juridiction militaire de la RDC a retenu la peine la plus sévère, à savoir la peine de mort.

S’agissant de la réparation civile, la Haute Cour militaire a condamné Joseph Kabila à payer à la République démocratique du Congo des dommages-intérêts de 29 milliards USD, ventilés comme suit :
5 milliards USD pour le préjudice moral, 5 milliards USD pour le préjudice écologique, 5 milliards USD pour le manque à gagner, 5 milliards USD pour la destruction des écoles et autres infrastructures et 9 milliards USD pour les dépenses engagées pour la défense.

En faveur des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, la Haute Cour a ordonné à Joseph Kabila de verser à chacune 2 milliards USD de dommages-intérêts. lle l’a en outre condamné aux frais d’instance et a ordonné son arrestation immédiate.

Orly-Darel Ngiambukulu, chercheur en droit et chroniqueur économique et judiciaire

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