RDC : la contraception, un droit vital encore négligé
En République démocratique du Congo, l’accès à la contraception reste un défi majeur malgré les efforts du gouvernement et de ses partenaires. À l’occasion de la Journée mondiale de la contraception, ce 26 septembre, la réalité est implacable : des millions de femmes et d’adolescentes n’ont toujours pas accès aux méthodes modernes de planification familiale.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon l’EDS 2023-2024, le taux de prévalence contraceptive chez les femmes en union est tombé à 10,7 %, contre 18 % en 2018. Chez les adolescentes, il reste sous la barre des 10 %, expliquant la persistance des grossesses précoces. Ainsi, 6 % des filles commencent déjà une maternité avant 15 ans et 25 % avant 18 ans. Conséquence dramatique : un taux de mortalité maternelle parmi les plus élevés au monde, soit 746 décès pour 100 000 naissances vivantes.
Contraception : sauver des vies et élargir les choix
Au-delà de la planification des naissances, la contraception sauve des vies. Elle réduit les grossesses non désirées, les avortements à risque et les complications médicales qui coûtent la vie à des milliers de femmes chaque année.
« La planification familiale ne vise pas à limiter les naissances, mais à donner à chacun la liberté de choisir le moment et le nombre de ses enfants. Elle peut réduire de 30 % la mortalité maternelle », rappelle la Dr Anne-Marie Ntumba, directrice du Programme national de santé de la reproduction.
Des témoignages qui traduisent la réalité
Entre doutes, croyances et expériences personnelles, les perceptions de la contraception restent variées. Des propos tirés des commentaires Facebook dans le cadre d’un sondage du RJSSR sur les méthodes contraceptives, disent ceci :
Bérnice Kapia évoque son échec avec la pilule du lendemain et craint des effets secondaires à long terme. « je prenais la pilule du lendemain dans les 72 heures après un rapport, de préférence dans les 24 heures, sinon l’ovule risque d’être fécondé. Une fois, j’ai pris la pilule à 72 heures, mais ça n’a pas marché, et je suis tombée enceinte. La pilule est efficace si on la prend chaque jour, mais selon moi, à la longue, cela peut causer du diabète, comme c’était le cas pour ma mère ».
Chris Le Véridique, inspiré par l’enseignement religieux, prône l’abstinence et la connaissance du cycle menstruel comme alternative. « En tant que chrétien, l’Église catholique nous enseigne l’abstinence, surtout pendant la période féconde. Il est donc essentiel de bien connaître le cycle menstruel de sa conjointe pour mieux se protéger… c’est une responsabilité partagée. »
Princesse Odia insiste sur les limites des méthodes disponibles : « Aucune n’est efficace à 100 % ». « La contraception, c’est avant tout savoir calculer ses dates menstruelles. Toutes les méthodes (pilule, préservatif, coït interrompu, etc.) ne sont pas efficaces à 100 % et comportent chacune des risques pour la santé. »
Ces récits illustrent la désinformation et les barrières culturelles qui freinent l’adoption des méthodes modernes.
Faible taux de prévalence et des freins persistants
Selon les dernières données du ministère de la Santé publique, hygiène et prévoyance sociale, moins de 20 % des femmes en âge de procréer utilisent une méthode moderne de contraception. Ce taux reste l’un des plus faibles en Afrique subsaharienne, alors même que la RDC fait face à une croissance démographique rapide et à un taux élevé de grossesses non désirées.
Malgré des progrès indéniables, le pays fait face à des défis structurants qui ralentissent la couverture contraceptive et maintiennent des taux élevés de grossesses non planifiées, de mortalité maternelle évitable et de vulnérabilité.
Dr Tony Mayawula, Directeur exécutif par intérim de l’ABEF ND (Association pour le bien-être familial, naissances désirables), intervenant lors du déjeuner de presse du 15 juillet dernier en tant que délégué du CTMP (Comité technique multisectoriel permanent de la planification familiale), rappelait que la prévalence contraceptive en RDC reste faible pour plusieurs raisons, notamment le financement, c’est-à-dire l’achat des contraceptifs, la disponibilité des prestataires qualifiés pour offrir des soins de qualité, ainsi que le manque d’information au sein des communautés.
« La première méthode contraceptive, c’est l’information. Elle est capitale pour que la population adhère aux méthodes contraceptives. Il existe des engagements comme FP2030 : le gouvernement a signé cet accord, et il faut multiplier les efforts pour que la planification familiale soit placée au premier plan des actions gouvernementales. C’est une recommandation claire, et il faut également prévoir des moyens financiers. Lorsque la communauté adhère aux méthodes contraceptives, cela permet à la famille de s’épanouir », rappelait-il.
A l'en croire, trois obstacles majeurs se dégagent comme freins. Il s'agit de :
- Coût et accessibilité : beaucoup de femmes vivent loin des centres de santé,
- Stigmatisation : les adolescentes craignent d’être jugées ou assimilées à la débauche.
- Manque d’information : l’éducation sexuelle reste marginale, privant les jeunes des connaissances nécessaires.
L’urgence d’investir dans l’éducation et la santé reproductive
Introduire l’éducation sexuelle dans les écoles, renforcer la formation des prestataires, rapprocher les services des communautés et garantir des contraceptifs gratuits ou à faible coût sont autant de solutions incontournables. Les experts y recommandent pleinement. Introduite à l’école, l’éducation sexuelle jouera un rôle clé dans la prévention des grossesses non désirées et des IST, le développement de l’esprit critique, la promotion de l’égalité entre les sexes, ainsi que du respect du corps et du consentement. Il ne s’agit pas d’encourager les rapports précoces, mais d’offrir aux jeunes les connaissances et compétences nécessaires pour faire des choix éclairés et responsables.
« Investir dans l’éducation sexuelle, c’est investir dans une jeunesse informée, en bonne santé, capable de se protéger et de bâtir des relations saines », souligne Hilaire Yogo, Directeur de la DIGE au MINEDUNC et expert en éducation à la vie courante.
Investir dans la santé reproductive, un impératif collectif
Pour garantir une santé reproductive équitable, inclusive et durable, les acteurs publics, ONG et partenaires internationaux doivent intensifier leurs efforts en matière de sensibilisation communautaire, de formation des prestataires de santé et d’accès aux contraceptifs à coût réduit ou gratuit. Pour l’édition 2025, le thème retenu est : « Un choix pour tous-autonomie, intention, accès ».
« Nous appelons : les décideurs politiques à concrétiser leurs engagements en finançant effectivement la ligne budgétaire dédiée ; les partenaires techniques et financiers à renforcer leur appui pour éviter un recul aux conséquences graves ; et les médias à poursuivre leur rôle de veille et de sensibilisation pour mobiliser l’opinion publique et interpeller les autorités », déclare Bibiche Mbete, coordinatrice du RJSSR.
La contraception n’est pas un privilège, mais un droit fondamental. En éliminant les obstacles qui en freinent l’accès, la RDC a l’opportunité de sauver des vies, de lutter contre la pauvreté et de garantir aux femmes un avenir plus libre et plus digne.
L’édition 2025 de la Journée mondiale de la contraception s’inscrit dans cette dynamique, sous le thème : « Un choix pour tous – autonomie, intention, accès ».