RDC – Chute du dollar, stabilité des prix : entre espoirs et désillusions, le débat s’enflamme

Depuis quelques semaines, la rue congolaise bruisse d’un sujet devenu omniprésent dans les discussions : la baisse spectaculaire du dollar américain (USD) face au franc congolais (CDF). Dans les marchés, sur les réseaux sociaux ou à la radio, chacun y va de son commentaire, oscillant entre scepticisme et fierté nationale.

Dan de Dieu Kayanda

15 Oct 2025 - 15:13
15 Oct 2025 - 15:14
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RDC – Chute du dollar, stabilité des prix : entre espoirs et désillusions, le débat s’enflamme

« Le peuple est victime des cambistes ou du système ? »

Sur la toile, les avis se multiplient. « Le peuple est victime des cambistes véreux ou de la baisse non maîtrisée du taux de change ? », s’interroge Moïse Dianyishayi, ironisant sur la confusion qui règne dans les rues de Kinshasa. Il constate que pendant que la Banque centrale du Congo (BCC) affiche un taux officiel de 2 200 FC pour un dollar, certains supermarchés appliquent 2 500 FC, tandis que les cambistes de rue oscillent entre 17 000 et 19 000 FC selon les zones.

Pour Ben Lovua, autre internaute, « le taux de change en RDC s’accorde en genre et en nombre avec les cambistes auxquels tu te rapproches ». Une façon ironique de souligner la volatilité du marché parallèle, devenu la référence pour la majorité des transactions quotidiennes.

« Des prix inchangés malgré la remontée du franc »

Dans la capitale, si le franc congolais s’est apprécié passant de 2 800 FC à environ 2 100 FC pour un dollar selon le taux officiel, les prix des biens et services restent élevés. Le pouvoir d’achat, lui, ne suit pas. « Nous avons perdu notre pouvoir d’achat », déplore Christian Okende, qui critique la gestion monétaire actuelle : « Le litre d’essence a baissé, oui, mais quand on calcule en dollars, on voit qu’on a perdu. Le franc remonte, mais la vie ne change pas. »

Cette contradiction alimente les frustrations d’une population qui, tout en saluant la valorisation de sa monnaie, peine à en ressentir les effets concrets.

Les consommateurs lésés dénoncent une « arnaque monétaire »

Dans un communiqué, le Mouvement National des Consommateurs Lésés (MNCL), dirigé par Joël Lamika, estime que cette appréciation rapide du franc congolais s’apparente à une « illusion économique ». « Le franc congolais connaît une appréciation rapide, mais les prix stagnent. Le peuple n’en bénéficie pas », déplore le mouvement, qui appelle à davantage de régulation et de transparence sur le marché de change.

Même son de cloche chez Me Jean-Claude Katende, président de l’ASADHO, pour qui « la chute du dollar est une arnaque ». Il alerte : « Cette baisse n’est pas soutenue par une production nationale solide. C’est un feu de brousse. Décembre nous attend. »


Réplique de Wameso : « Je ne travaille pas contre le dollar, je travaille pour le franc »

Face à cette vague de critiques, la Banque centrale du Congo (BCC) appelle au calme et à la confiance. Son gouverneur, André Wameso, défend la politique actuelle :

« Je ne travaille pas contre le dollar, je travaille pour le franc. La Constitution est claire : la monnaie du Congo, c’est le franc congolais. »

La BCC rappelle que le taux indicatif du jour s’établit ce mercredi 15 octobre à 2 112,52 FC pour 1 USD, invitant la population à ne pas se laisser influencer par les cambistes de rue.

Elle a également publié une liste officielle des maisons de change agréées à Kinshasa et en provinces, encourageant les citoyens à effectuer leurs transactions « dans les circuits formels, gage de transparence et de sécurité ».


Des opinions contrastées sur la gouvernance monétaire

Alors que certains dénoncent un « populisme économique », à l’image du journaliste Alain St Pierre Mwamba qui fustige une « gestion fondée sur la communication et non sur les résultats », d’autres saluent la fermeté du gouverneur.

Pour Jason Ipakala, partisan de la politique actuelle, « André Wameso a redonné de la valeur au franc congolais. Quand le sérieux dérange, c’est que le changement est réel. »


Une stabilisation fragile, un avenir incertain

Sur le terrain, les Congolais oscillent entre prudence et attente. Si l’appréciation du franc est perçue comme une victoire symbolique, beaucoup redoutent qu’elle ne soit que passagère.
Sans une production nationale renforcée et une discipline budgétaire durable, préviennent les économistes, la stabilité du taux de change risque de s’éroder rapidement.
En attendant, dans les rues de Kinshasa, un seul mot revient sur les lèvres : « Tokozela » — on attend.

Dan de Dieu Kayanda Chrétien, journaliste professionnel et passionné, blogueur, chargé de communication, community manager, chercheur en data journalism, amoureux des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication.