Conakry : le DASAF 2025 mobilise l’Afrique francophone pour défendre les droits sexuels et reproductifs des femmes
Dans la grande salle de l'hôtel Radisson, les discussions vont bon train. Ministres, experts en santé publique, militantes féministes, jeunes leaders et journalistes s’y retrouvent depuis ce mardi 21 octobre 2025 pour la troisième édition du Dialogue Africain sur la Santé et les Droits Reproductifs en Afrique Francophone (DASAF). Pendant trois jours, plus de 300 participants venus d'au moins 22 pays échangeront sur les avancées, les défis et les solutions pour faire progresser les droits sexuels et reproductifs des femmes en Afrique francophone.
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Unir les voix pour un même combat
Placé sous le thème « Unifier nos voix et s’engager pour des choix reproductifs en Afrique francophone », le forum, organisé par le Centre ODAS en partenariat avec le gouvernement guinéen, s’impose comme un cadre stratégique et inclusif.
Les discussions portent sur les décès maternels évitables, les grossesses non intentionnelles, les inégalités d’accès aux soins, et les avortements à risque qui continuent de coûter la vie à des milliers de femmes chaque année.
Derrière chaque statistique, rappellent les organisateurs, se cache un visage, une histoire, une promesse brisée par les tabous et les lois restrictives.
« Nous devons transformer l’indignation en action collective. L’autonomie corporelle des femmes n’est pas négociable », a lancé une participante lors de la plénière d’ouverture.
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Des médias engagés pour faire bouger les lignes
Au cœur de cette mobilisation, la voix des médias résonne avec force. Le Réseau des Journalistes pour la Santé Sexuelle et Reproductive (RJSSR), représenté par sa coordinatrice nationale Bibiche Mbete, participe activement aux échanges. Le réseau entend porter les récits invisibilisés, documenter les réalités du terrain et pousser à des réformes inclusives.
Une restitution est d’ailleurs prévue à Kinshasa, afin de partager les enseignements du forum et de nourrir le plaidoyer congolais pour la santé reproductive.
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L’avortement non sécurisé, une urgence silencieuse
Les chiffres présentés à Conakry rappellent l’ampleur du défi. En Afrique de l’Ouest, 93 % des femmes en âge de procréer vivent dans des pays où l’avortement est restreint ou criminalisé.
Selon l’OMS, jusqu’à 18 % des décès maternels dans la région sont liés à des avortements non sécurisés.
Chaque année, plus de 1,7 million de femmes sont hospitalisées pour des complications, et 16 000 en meurent.
En Guinée, les complications liées à l’avortement figurent parmi les principales causes d’hospitalisation dans les services de santé reproductive.
Face à ce constat, le DASAF 2025 invite les États et les organisations à repenser la mortalité maternelle sous l’angle des droits humains et de l’autonomie corporelle, et à faire de l’accès à l’avortement sécurisé une priorité de santé publique et de justice sociale.
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Quatre pistes pour transformer les systèmes
L’agenda du DASAF s’articule autour de quatre grands axes :
- Contexte législatif et réglementaire : examiner les réformes, résistances et avancées sur les droits sexuels et reproductifs.
- Innovations et preuves en matière de services : valoriser les approches communautaires, technologiques et locales.
- Financement et durabilité du mouvement : réfléchir à de nouveaux modèles pour soutenir les organisations féministes africaines.
- Voix féministes, jeunes et communautaires : déconstruire les normes sociales restrictives et combattre la stigmatisation.
Autant de pistes qui traduisent la volonté du mouvement de relier les expériences locales à une vision panafricaine commune.
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Une dynamique appelée à durer
Après Abidjan en 2022 et Cotonou en 2023, cette édition de Conakry marque la continuité d’un mouvement panafricain pour la santé et les droits reproductifs.
Les conclusions attendues, le 23 octobre, devraient alimenter les agendas nationaux et régionaux et consolider les engagements politiques pris par les pays francophones.Le DASAF, né d’une idée simple : créer un espace d’unité et d’action, est aujourd’hui un rendez-vous incontournable du féminisme francophone africain. Et pour les participantes, le message est clair : les droits reproductifs ne peuvent plus attendre.