[Tribune] : COUT DES INSTITUTIONS ET JUSTICE SOCIALE EN RDC (Dédé Watchiba)

La polémique autour de la rémunération des députés nationaux en RDC suscite une vague d’indignations et a pris des airs de scandale d’Etat. Le déferlement du sentiment antiparlementaire qui en découle illustre l’ampleur de l’injustice sociale dans la distribution de la richesse nationale et provoque une ambiance générale délétère au niveau national. Ce climat morose risque de menacer la paix sociale dans le pays et un scénario de crise de très haute intensité n’est pas à exclure. La côte de confiance vis-à-vis de parlementaires congolais a chuté drastiquement.

Ce qui est plus saisissant est que les parlementaires et autres responsables politiques, peinent à convaincre l’opinion nationale avec une communication maladroite et chaotique, empreinte d’attitudes condescendantes. Avec des déclarations contradictoires et l’usage d’instruments de chantage, en soufflant le chaud et le froid, les parlementaires congolais se mettent en réalité une balle dans le pied. C’est un pari risqué. Ils doivent arrêter de se considérer comme le nombril de l’univers et Il va falloir trouver le bon narratif. Leur communication actuelle est truffée de sophismes.

Pour mieux comprendre cette problématique d’un point de vue scientifique, nous voulons remettre les choses en perspective et revenir à des questions de fond. Le fonctionnement du système politique congolais a atteint le summum de l’irrationnel. Le système politique de la RDC a cessé de fonctionner normalement depuis des lustres puisqu’au lieu de promouvoir l’intérêt général, son fonctionnement génère plutôt des fractures sociales très fortes. Ce dysfonctionnement est expliqué, comme je l’avais démontré dans une de mes précédentes tribunes, par la culture politique dominante dans le pays (la culture de prédation). En RDC, depuis plusieurs décennies, on exerce le pouvoir avant tout pour s’enrichir et non pour servir la population. Avec comme conséquence de cette culture politique, la majorité de la population broie du noir, avec plus de précarité et d’inégalités, et s’apitoie sur elle-même.

A titre illustratif, depuis plusieurs législatures, le parlement congolais, dont la mission principale est de doter le pays des lois à caractère général et impersonnel nécessaires pour le bien-être général de sa population, s’illustre plutôt à octroyer des avantages exorbitants aux anciens dirigeants du pays, eux qui curieusement, par leur gestion, ont mis la main basse sur les richesses du pays. Ces derniers n’ont donc pas besoin objectivement de ces avantages indus. Ces mêmes parlementaires en toute indécence s’attribuent des avantages en toute opacité et exigent le black-out total quand ils discutent de leurs avantages. Le bon sens et les fondements démocratiques exigent qu’ils analysent rationnellement la question de salaires de toutes les catégories sociales en fonction de critères d’equité pour une bonne justice sociale. Les acteurs politiques, pour bâtir un système véritablement démocratique, doivent éviter de faire de l’achat de consciences et de la gabegie financière un système de gouvernance. C’est contreproductif pour bâtir un Etat fort.

Ne nous berçons pas d’illusion, cette affaire démontre la faiblesse de la démocratie en RDC.

La démocratie dans son essence a 3 composantes : Démocratie-liberté (ensemble d’un corps de droits reconnus à la population), Démocratie-Participation (assurant par des mécanismes divers la participation de la population à la vie nationale : referendum, élection), Démocratie-Égalité (réduction des inégalités sociales dans le pays). Et l’ensemble des institutions politiques et sociales sont censées assurer ces fonctions.

La réforme profonde du système politique avec un nouveau contrat social est donc une nécessité. On doit revoir totalement les bases de notre organisation comme Etat. On doit nettoyer notre arsenal législatif de tous ces textes scélérats et irresponsables.

Dédé Watchiba, Chercheur et Professeur d'universités