Jugements falsifiés, expulsions musclées : le mode opératoire de la spoliation immobilière en RDC (Tribune de Armel Langanda/Journaliste)

Après plusieurs cas de spoliations répertoriés sur l’ensemble du territoire national, la République démocratique du Congo reste confrontée à une crise foncière sans précèdent et jamais connue auparavant.  Derrière chaque parcelle ou terrain saisie illégalement, se cache un mécanisme méthodique, un réseau très bien organisé et structuré qui détourne la justice dans l’objectif de dépouiller les citoyens de leurs biens. Devenue monnaie courante en RDC, la spoliation immobilière fragilise des vies et ruine des familles. Cette tribune décrit étape par étape le mode opératoire de la spoliation immobilière RDC. De l’identification de la cible, en passant par la falsification des titres, la réquisition abusive, le déguerpissement brutal, pour chuter au blanchiment foncier.

Armel Langanda

29 Septembre 2025 - 16:00
29 Septembre 2025 - 16:00
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Jugements falsifiés, expulsions musclées : le mode opératoire de la spoliation immobilière en RDC (Tribune de Armel Langanda/Journaliste)

De prime à bord, les spoliateurs commencent par faire le ciblage et le repérage des biens litigieux ou peu protégés. Ils profitent parfois de l’absence des propriétaires ou dispersés à l’étranger ; les maisons qui détiennent des titres de propriété incomplets ou qui ont connu des retards dans l’enregistrement ; des zones périurbains en plein expansion. De fois, ils ciblent des maisons biens construites se retrouvant dans des quartiers huppés. Ce n’est qu’à partir de cette cartographie que les spoliateurs sélectionnent les cibles les plus aisément contestables. 

Falsification des documents 

Il s’en est très rapidement suivi des fabrications de faux documents. C’est par là que tout se joue. C’est même le cœur du système mafieux en RDC. C’est là qu’entre en jeu la mafia judiciaire. Les jugements et arrêts judiciaires contrefaits ; les certificats d’enregistrement et actes notariés trafiqués ; les procurations illégitimes attribuant un pouvoir factice. Ces faux instruments sont souvent signés par des magistrats complices ou présentés sous l’en-tête d’avocats légitimes. Des réseaux très bien organisés pour qu’il n’y ait pas fuite dans l’application sur terrain. 

Toutes ces opérations mafieuses se font sous une forte complicité judiciaire et administrative dans le but de légitimer l’illégal. Les réseaux mafieux s’appuient sur des magistrats corrompus qui valident les jugements falsifiés ;  des officiers de l’état civil et des agents cadastraux achetés ; des forces de l’ordre dirigées par leurs colonels et généraux, prêtes à exécuter les décisions quel qu’en soit le prix.

Les expulsions musclées   

Après cette étape, quand tous les papiers falsifiés sont prêts, il faut maintenant passer à l’action de déguerpissement brutal sur le terrain. Des expulsions musclées avec intimidations. Ce sont les éléments de la police et des milices armées qui débarquent à l’aube. Ils se donnent le luxe de procéder par des destructions des biens, jets des effets personnels des propriétaires à la rue ;  menaces verbales, torture psychologique et très souvent physique. Et quand ils descendent c’est avec des simples réquisitions qui obligent les vrais propriétaires à déguerpir illégalement. Cette violence ne sert non seulement à chasser les occupants, mais aussi et surtout à dissuader toute résistance.

Une fois que les occupants sont chassés de leur propriété, les spoliateurs procèdent à la revente express ou à la location des biens. On note des transactions fictives vers des prête-noms ; blanchiment des fonds via des montages financiers complexes ; investissements ultérieurs dans d’autres secteurs en RDC ou à l’étranger. C’est le cas de lotissement Nganda dans la commune de Kitambo avec le cabinet Peter Kazadi & Associés. 

Un système mafieux qui fragilise des familles congolaises. Les victimes de spoliations s’accrochent à une machine judiciaire qui tourne à vide et complice de ces crimes contre l’humanité. Des recours ignorés, dossiers égarés, des plaintes classées sans suite. Tel est le spectacle désolant qu’offrent les puissants de la RDC. En tout, c’est l’État congolais qui paraît impuissant ou complice, laissant prospérer la prédation foncière.

Mutamba en prison, les spoliateurs en liesse 

L’ex ministre de la justice aujourd’hui en prison, Me Constant Mutamba, a voulu mettre dos au mur tous ces réseaux mafieux de spoliation. Qui pour sauver des familles congolaises de cette escroquerie qui devient un métier par excellence des politiciens et hommes forts congolais ? Il faudrait en toute urgence renforcer la protection des titres fonciers et accélérer les enregistrements ; mettre en place une commission indépendante pour réexaminer les spoliations ; sanctionner les magistrats et fonctionnaires impliqués dans les falsifications des documents fonciers. Enfin, il faut mobiliser la société civile, la presse nationale et internationale pour dénoncer chaque abus.  

L’ultimatum de 7 donné aux spoliateurs lancé en Avril 2025 par l’ex ministre de la Justice, Constant Mutamba, en était vraiment une illustration forte de ceux qui sont accrochés à cette pratique depuis des années. Derrière cet ultimatum se cachaient des cas variés : terrains agricoles conquis par la force, immeubles revendiqués sur la base de faux actes notariés, parcelles de citoyens pris de force et reventes express à des prête-noms pour blanchir les profits.

En dévoilant ce mode opératoire, nous donnons aux victimes une arme : la connaissance de leurs ennemis et de leurs méthodes. À eux, à nous tous désormais de réclamer justice et transparence, pour que plus aucun Congolais ne craigne de voir sa maison disparaître du jour au lendemain.