[Tribune] : « Niveau du débat politique et dangers du tribalisme en RDC», (Dédé Watchiba)

En RDC, le processus est très mal engagé avant même que la campagne électorale ne soit officialisée. Avec un discours résolument offensif, le contenu des échanges sur les réseaux sociaux entre partisans de différents candidats présidentiels est inquiétant. Malheureusement, il faut se rendre à l’évidence, qu’avec l’avènement des nouvelles technologies d’information et de communication, une partie des opinions publiques se fait sur les réseaux sociaux.

Je suis atterré par la rhétorique tribaliste, extrémiste, teintée de haine affichée par les partisans des candidats aux présidentielles de décembre prochain en RDC. Ils ne s’intéressent pas aux véritables préoccupations et besoins du peuple congolais. Ils se focalisent sur le boulot passé de l’un ou l’autre candidat ou le nombre d’années passées en RDC par l’un ou l’autre candidat. Avec une campagne marquée par la désinformation alimentée par des ultras de tous bords, il sera difficile dans ce climat d’organiser des élections apaisées.

Il faut rappeler que dans le système politique congolais, le tribalisme est un vecteur de mobilisation partisane mais aussi un facteur d’instabilité et de vulnérabilité politique et sociale. La politique y est hautement polarisée. Les débats sont souvent centrés sur des affiliations politiques ou des identités ethniques plutôt que sur des solutions aux problèmes nationaux. 

En sus, dans un pays meurtri par des décennies de violences et conflits communautaires, on semble oublier tous les soubresauts politiques que le pays a vécu en rapport avec le tribalisme et l’ethnicité. Les extrémistes de tous bords ont toujours réussi à imposer les thématiques tribales et inutiles dans le système politique congolais. C’est pour cela que la RDC y est jusqu’au cou. Le tribalisme et les replis identitaires mettent à rude épreuve le développement intégral du pays.

Certes, la politique, par essence, est un métier anxiogène mais cela ne doit pas exacerber les tensions entre communautés. Nous devons bannir du débat politique ces déclarations d’ineptie qui n’honorent pas le pays et qui ne sont pas utiles pour le développement de la RDC.

La jeunesse surtout doit porter un regard éclairé sur les enjeux du pays. Il y a visiblement un décalage entre les ambitions affichées par chaque candidat et les moyens à mobiliser pour concrétiser son programme. La tâche de dirigeants étant titanesque, les vrais scientifiques sont appelés à bien éclairer le choix des futurs dirigeants et de la population. Notre rapport à la politique doit être reconsidéré. 

Nous autres congolais nous devons nous réveiller. Notre véritable combat est géopolitique. Le pouvoir est fait pour servir et non pour voler et se servir. Il ne faut tolérer aucun message de haine. Il faut vite changer de cap.

Le tribalisme, qui est la préférence ou la discrimination basée sur l'origine ethnique ou tribale, est un problème sérieux dans de nombreux pays africains. Dans le contexte d'une élection présidentielle avec un scrutin à un tour, le tribalisme peut avoir des implications significatives et présente plusieurs risques :

1. Polarisation ethnique : Le tribalisme peut diviser la société le long de lignes ethniques, créant une polarisation et une hostilité entre différents groupes ethniques. Cela peut se traduire par des conflits ethniques, des tensions et des divisions profondes.

2. Vote tribal : Les électeurs peuvent être incités à voter en fonction de leur groupe ethnique plutôt qu'en fonction des qualifications ou des politiques du candidat. Cela peut conduire à des votes de groupe massifs et à des résultats électoraux biaisés.

3. Manipulation politique : Les politiciens peuvent exploiter le tribalisme à des fins politiques en mobilisant leur propre groupe ethnique pour le soutenir et en diabolisant les groupes ethniques rivaux. Cela peut entraîner une rhétorique haineuse et des manœuvres politiques néfastes.

4. Exclusion politique : Les membres de groupes ethniques minoritaires ou marginalisés peuvent se sentir exclus du processus politique si les élections sont perçues comme étant dominées par un groupe ethnique majoritaire. Cela peut conduire à une marginalisation politique et à des sentiments d'injustice.

5. Instabilité post-électorale : Si un candidat issu d'un groupe ethnique minoritaire remporte l'élection, cela peut déclencher des tensions et des violences de la part des groupes ethniques majoritaires qui se sentent lésés. L'inverse est également vrai, où un candidat issu du groupe ethnique majoritaire remportant l'élection peut provoquer des tensions avec les groupes ethniques minoritaires.

6. Faible gouvernance : Les gouvernements élus sur la base du tribalisme peuvent être moins enclins à servir l'intérêt national et à mettre en œuvre des politiques équitables. Ils peuvent privilégier les membres de leur propre groupe ethnique au détriment d'autres groupes.

7. Incapacité à résoudre les problèmes nationaux : Les gouvernements élus sur une base tribale peuvent avoir du mal à aborder des problèmes nationaux tels que la pauvreté, la corruption et le développement économique, car ils peuvent être plus préoccupés par la consolidation du pouvoir au sein de leur groupe ethnique.

Pour réduire les risques de tribalisme dans une élection présidentielle avec un scrutin à un tour, il est essentiel de promouvoir l'unité nationale, la diversité et la cohésion sociale. Cela peut être réalisé grâce à l'éducation civique, à la promotion de la diversité ethnique et à des efforts pour dépolitiser les identités ethniques. De plus, des mécanismes de contrôle et de surveillance doivent être en place pour prévenir la manipulation politique basée sur le tribalisme.

Dédé Watchiba, Professeur d'universités, chercheur et analyste politique