[ Tribune de Jérémie Momeka] : « Le déboussolement de la politique congolaise : une analyse critique approfondie »

La République Démocratique du Congo (RDC), vaste territoire au cœur de l’Afrique et dotée d’abondantes ressources naturelles, semble malheureusement piégée dans une spirale d’instabilité politique chronique. Ce que l’on pourrait qualifier de " déboussolement de la politique congolaise" traduit non seulement une perte de repères idéologiques, mais aussi une confusion des principes fondamentaux du leadership et de la gouvernance démocratique. L’orientation politique s’y révèle fluctuante, les convictions s’y marchandent, et le peuple, censé être au cœur de toute action publique, reste relégué à la périphérie des préoccupations des dirigeants.

Redaction

5 Juin 2025 - 12:26
5 Juin 2025 - 12:27
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[ Tribune de Jérémie Momeka] : « Le déboussolement de la politique congolaise : une analyse critique approfondie »
  • A. Une classe politique dominée par des intérêts égoïstes


    L’histoire politique congolaise est jalonnée de trahisons idéologiques et de reniements spectaculaires. Depuis l’indépendance jusqu’à nos jours, nombreux sont les leaders qui, portés au pouvoir sur la base de discours engageants et parfois nationalistes, ont rapidement cédé aux sirènes de l’enrichissement personnel. Le pouvoir devient un objectif en soi, non un moyen au service du peuple.

    Comme l’observait Patrice Emery Lumumba dans son discours d’indépendance en 1960 :

    "L’indépendance du Congo marque la fin de l’humiliation et du mépris."

    Mais aujourd’hui, cette indépendance est trahie de l’intérieur, non plus par l’ancien colonisateur, mais par des élites déconnectées de la réalité du peuple congolais, souvent motivées par des agendas personnels et partisans.

    La transhumance politique, ce phénomène où les acteurs changent de camps et de discours avec une surprenante aisance, est symptomatique de cette crise morale. Le Professeur Ndjoli Esengekeli qualifie à juste titre cette pratique de véritable errance idéologique, où le verbe prime sur la conviction, et l’ambition personnelle sur la vision nationale.

  • B. L’absence de vision claire et de leadership responsable

    Une nation ne peut se construire sans boussole. Or, le leadership congolais manque cruellement de vision stratégique à long terme. La gouvernance est souvent réactive, circonstancielle, et dictée par des alliances de convenance. Cette absence de cap clair engendre une gouvernance erratique, faite d’improvisation, de clientélisme et de duplicité.

    Kwame Nkrumah, premier président du Ghana et père du panafricanisme, disait : "L’Afrique doit s’unir ou périr."

    Cette citation résonne douloureusement au Congo où le tribalisme, le régionalisme et les logiques de clans prennent le pas sur l’unité nationale, compromettant ainsi toute tentative de construction d’un projet collectif solide. Le Congo, au lieu d’être un laboratoire de progrès pour l’Afrique, demeure pris en otage par des querelles d’égos et des intérêts claniques.

  • C. Conséquences néfastes sur la gouvernance et le développement

    Les effets de ce déboussolement politique sont visibles : faiblesse institutionnelle, instabilité gouvernementale, corruption endémique et paupérisation croissante des populations. L’incapacité à mettre en œuvre des politiques publiques cohérentes et durables empêche la RDC d’exploiter son potentiel exceptionnel.

    Les priorités nationales sont constamment sacrifiées sur l’autel de la survie politique. Chaque remaniement ministériel, chaque alliance électorale est davantage guidé par des calculs partisans que par une évaluation objective des besoins du pays.

    Le peuple, quant à lui, reste désabusé. Entre les promesses non tenues, les slogans creux et les mascarades électorales, la défiance envers la classe politique atteint un niveau alarmant. La démocratie congolaise s’essouffle, non faute d’institutions, mais faute de convictions sincères et de serviteurs désintéressés de la nation.

  • D. La nécessité d’un changement de paradigme

    Pour sortir de cette impasse, un changement profond de paradigme s’impose. La RDC a besoin d’une nouvelle génération de leaders compétents, patriotes, intègres  porteurs d’une vision claire du développement national. Ce changement passe par l’éducation, le renforcement de la conscience citoyenne, la valorisation des principes d’éthique publique et le rejet du népotisme et de la médiocrité.

    Comme le rappelle encore Lumumba :

    " L’Afrique écrira sa propre histoire et elle sera au nord et au sud du Sahara une histoire de gloire et de dignité."

    Ce message est un appel à la responsabilité collective. Le redressement de la RDC ne viendra pas d’une seule figure providentielle, mais de l’engagement de tous les Congolais, en particulier la jeunesse, à redéfinir le sens du politique, à réhabiliter le service public, et à replacer l’intérêt général au centre du projet national.

  • Conclusion

    A mon humble avis, le déboussolement de la politique congolaise n’est pas une fatalité. Il est le résultat d’une série de dérives, mais aussi d’une démission morale collective. Il est encore temps d’inverser la tendance, de rebâtir une culture politique fondée sur la vérité, la justice sociale, et le sens du devoir envers la patrie.

    La RDC peut retrouver son cap si ses élites redécouvrent la noblesse de la politique comme instrument de transformation sociale et non comme levier d’enrichissement personnel. C’est en revenant aux fondamentaux du patriotisme, de l’éthique publique et de la solidarité nationale que le Congo pourra sortir de l’ombre pour se hisser à la hauteur de son destin historique.

    Jérémie Momeka Malengo, Doctorant en Sciences Politiques de l'Université de Kinshasa, analyste politique et chercheur.

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