Contrat minerais contre infrastructures avec la Chine : la RDC va renoncer à 7,5 milliards USD suite aux exonérations fiscales accordées à la Sicomines ( CNPAV)
En RDC, le « contrat du siècle », minerais contre infrastructures signé en avril de 2008 entre le gouvernement congolais et groupement d’entreprises Chinoises continue de faire couler beaucoup d’encre, en dépit de sa renégociation vantée par Kinshasa.

Dans une note d’analyse intitulée « Retour sur la négociation de la convention Sino-congolaise: Du mauvaise au pire ? » publiée mercredi 05 mars, le Congo N’est pas à Vendre (CNPAV), un consortium d’ONGs nationales et internationales de lutte contre la corruption décèle un certain nombre de déséquilibres structurels et des pertes en défaveur de la RDC non résolus par la renégociation ainsi que de nouvelles formes de manque à gagner.
A titre d’illustration, le CNPAV souligne que le gouvernement congolais s’est abstenu d’évaluer dans le processus de négociation de la Convention Sicomines, les exonérations fiscales « exceptionnelles et généreuses » à travers la modélisation fiscale et économique du projet.
En effet, lors de la signature de la Convention Sicomines en avril 2008, le gouvernement congolais avait consenti des exonérations fiscales et parafiscales au projet minier Sicomines afin de faciliter le remboursement des prêts dédiés au financement des infrastructures et au développement du projet minier.
« Ces exonérations n'avaient aucune base légale dans la législation congolaise et étaient contraires aux dispositions du code minier. Pire encore, ces exonérations avaient été étendues à d'autres entités non éligibles comme le Barrage hydroélectrique de Busanga », peut-on lire dans cette note qui précise cependant, « qu’aucune évaluation, aucun contrôle de la part du gouvernement congolais n'ont été effectués sur ces exonérations ».
Au contraire, Kinshasa a également accordé d'autres garanties de remboursement des prêts d'infrastructures au-delà des réserves minières représentant plus de 10 millions de tonnes de cuivre et plus de 600.000 tonnes de cobalt.
« Ces exonérations fiscales et ces garanties additionnelles distinguent la Sicomines de tous les autres projets miniers soumis au cadre fiscal exclusif, exhaustif et obligatoire du Code minier », regrette maître Fabien qui présentait le résumé exécutif de cette note d’analyse.
Selon les estimations du CNPAV, les exonérations fiscales et parafiscales accordées à la Sicomines ont représenté 443 millions de dollars américains soit 16% des dépenses fiscales effectuées en 2023.
« Cette situation entraînera une renonciation par la RDC, des recettes de l’ordre de 7,5 milliards USD au cours de 17 prochaines années d’exécution de l’avenant 5, ce qui est contraire aux motivations de l’adoption du code minier de 2002 tel que modifier en mars 2018 », alerte cette structure qui prône la transparence et la bonne gouvernance.
Alors que le Code Minier de 2002 vise à mettre fin aux conventions ad hoc qui accordaient des exonérations exorbitantes aux investisseurs telles que celles conclues à la fin des années 1990, la Convention Sicomines fait exception.
Outre les exonérations fiscales, le CNPAV est d’avis que l’Avenant 5 présente d’autres faiblesses comme la persistance d’une gouvernance hors circuit normal du fonctionnement de l’État, Un bilan globalement décevant après 16 ans d'application la Convention Sicomines; un nouveau système de calcul de coût de financement des infrastructures, basé a priori sur le cours du cuivre au niveau international, qui engendre de nouvelles pertes pour la RDC.
Par ailleurs, le CNPAV indique que le système convenu dans l'avenant 5, démontre que la nouvelle façon de calculer les décaissements pour les infrastructures a déjà fait perdre à l'Etat congolais une somme totale de 132 millions USD en 2024.
« Nous estimons inacceptable que, suite à une renégociation visant à rendre la convention plus favorable pour la RDC, le pays subit une telle perte, surtout en considérant la nécessité d'améliorer ses infrastructures », a déclaré Baby Matabishi, membre du CNPAV.
Somme toute, cette coalition sollicite l’implication du Président Tshisekedi pour mettre fin à ces déséquilibres à travers l’application du Code Minier à la Sicomines et l’exhorte à instruire le gouvernement à évaluer le manque à gagner dû aux exonérations accordées au dit projet.
Parallèlement, le gouvernement a été appelé à mettre fin à la Convention Sino-congolaise et soumettre la Sicomines au régime du Code Minier tel que révisé en mars 2018 et, ainsi procéder à l'évaluation exhaustive à travers l'audit du projet (volet minier et infrastructures) et du manque à gagner engendré par les exonérations fiscales et
parafiscales.
Au comité exécutif de l'ITIE-RDC, le CNPAV plaide pour l’inscription des questions de la transparence du processus de renégociation, du rééquilibrage de la convention sino-congolaise et de la révision de l'avenant 5 parmi ses priorités de gouvernance du secteur extractif.
Pour la petite histoire, la RDC et le groupement d'entreprises chinoises ont signé le 14 mars 2024 un avenant à l'accord qualifié de « contrat du siècle », initialement conclu en 2008.
Ce pacte original adoptait le schéma d'échange « minerais contre infrastructures. L'accord révisé met en lumière une augmentation significative de l'investissement dans les infrastructures, le montant passant de 3,2 à 7 milliards de dollars. Selon les autorités congolaises, cela se traduit par la construction d'environ 5 000 km de routes.