[Tribune] « Que peut-on comprendre dans les principales leçons que l’on peut tirer de l'expérience de Congo Airways, en analysant ses succès initiaux et surtout ses échecs » (David Lurhuma)
![[Tribune] « Que peut-on comprendre dans les principales leçons que l’on peut tirer de l'expérience de Congo Airways, en analysant ses succès initiaux et surtout ses échecs » (David Lurhuma)](https://www.une.cd/content/images/202505/image_870x_68236e3c6e840.jpg)
Créée en 2014, Congo Airways incarnait l'ambition de la République Démocratique du Congo (RDC) de se doter d'une compagnie aérienne nationale moderne, capable de relier efficacement les différentes régions du pays et de s'intégrer dans le réseau aérien international. Malgré un lancement prometteur, la compagnie a rapidement été confrontée à des défis majeurs qui ont entravé sa croissance et mené à la suspension de ses opérations en septembre 2023. L’analyse de cette trajectoire offre des enseignements précieux pour l’avenir du secteur aérien congolais.
Voici six des principales leçons que l’on peut tirer de l’expérience de Congo Airways, selon l'analyste et consultant aéronautique SG DAVID LURHUMA dit Delta Lima Bravo.
1. Une bonne vision ne suffit pas sans gestion rigoureuse
Leçon : L’ambition de doter la RDC d’une compagnie aérienne nationale moderne était louable. Cependant, sans un management professionnel et transparent, cette vision est vouée à l’échec.
Conséquence : Mauvaise gouvernance, mauvaise allocation des ressources et perte de confiance.
2. La viabilité financière est cruciale
Leçon : Une compagnie aérienne doit maîtriser ses coûts d’exploitation (maintenance, leasing, salaires, carburant, etc.) et assurer des revenus constants grâce à une politique de tarification efficace et à une gestion rigoureuse de la trésorerie.
Conséquence : Congo Airways s’est retrouvée en situation d'endettement, avec des difficultés à honorer ses engagements financiers (notamment envers les institutions bancaires et ses partenaires commerciaux).
3. Un plan stratégique clair et évolutif est essentiel
Leçon : L'absence d’un modèle économique solide à long terme (expansion, rentabilité, diversification des services, développement de la flotte) a nui à la croissance durable de la compagnie.
Conséquence : Une flotte limitée, une desserte restreinte, et une perte progressive de crédibilité auprès des passagers et partenaires.
4. La compétence du personnel est un atout majeur
Leçon : Une formation continue, une gestion des ressources humaines efficace, et la promotion des compétences locales sont des leviers indispensables pour assurer la performance opérationnelle.
Conséquence : Tensions sociales, grèves, démotivation et manque de rétention des talents.
5. Respect des normes et obligations réglementaires
Leçon : Le maintien du certificat de transport aérien (CTA) exige une rigueur constante en matière de conformité et de surveillance réglementaire.
Conséquence : La perte du CTA en 2024, conséquence directe d’une gestion déficiente, a précipité la chute de la compagnie.
6. Le soutien de l’État doit s’accompagner de contrôle
Leçon : Bien que l’État puisse être un actionnaire majeur, il doit mettre en place des mécanismes de contrôle indépendants pour prévenir les dérives politiques et assurer une gestion technique et stratégique saine.
Conséquence : Immixtion politique dans les décisions stratégiques, décisions non fondées sur des critères techniques, et affaiblissement des organes de gouvernance.
Plusieurs facteurs ont contribué aux difficultés de Congo Airways. Une gouvernance défaillante, marquée par des cas de mauvaise gestion financière et de détournement de fonds, a fragilisé la confiance des partenaires et des clients. La viabilité financière de la compagnie a également été compromise par une mauvaise gestion des coûts d’exploitation et une dépendance excessive vis-à-vis de l’État, sans mise en place de mécanismes de contrôle efficaces. L’absence de stratégie claire à long terme a entravé la capacité de l’entreprise à s’adapter aux exigences du marché. La perte du certificat de transport aérien en 2024, conséquence directe de ces défaillances, a précipité la fermeture de Congo Airways.
En conclusion, l’expérience de Congo Airways met en lumière l’importance cruciale d’une gestion rigoureuse, d’une stratégie financière solide et d’une gouvernance transparente pour assurer la pérennité d’une compagnie aérienne nationale. Ces leçons doivent guider les initiatives futures, telles que le projet de relance du secteur aérien congolais à travers une nouvelle entité, afin d’éviter les erreurs du passé et de bâtir une compagnie capable de répondre aux besoins du pays tout en étant compétitive sur le marché régional et international.
Personnellement, je salue la création de la compagnie aérienne nationale Air Congo, en partenariat avec Ethiopian Airlines. Je suis convaincu que les erreurs de Congo Airways ne seront pas répétées avec cette nouvelle compagnie.