[ Tribune] : « Justice ou impunité ? La RDC face au piège des détournements » (Dédé Watchiba)
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Introduction
En RDC, la justice n’est plus seulement une institution à réformer ; elle est devenue le miroir d’un État en quête de légitimité. Dans un pays où les scandales de détournement se multiplient sans conséquences structurelles, la question de la redevabilité publique s’impose désormais comme une urgence nationale. Car lorsque les lois cessent de protéger les faibles pour ne servir que de remparts aux puissants, c’est le socle même de la République qui vacille.
La justice ne saurait être réduite à une mécanique juridique, aussi sophistiquée soit-elle. Elle ne peut être un instrument d’exception brandi selon les humeurs politiques du moment, au gré des règlements de comptes ou des alliances conjoncturelles. Elle est, fondamentalement, le droit pour les citoyens de savoir ce qu’il est advenu de leurs ressources, d’exiger des comptes de ceux qui gouvernent, et de voir triompher l’intérêt général sur les intérêts privés.
La RDC est aujourd’hui confrontée à un paradoxe dangereux : d’un côté, des principes de droit brandis pour légitimer l’inaction ou la sélection des cibles judiciaires ; de l’autre, une société épuisée par l’impunité et la répétition des scandales. Ce décalage alimente la colère, érode la confiance et mine la crédibilité des institutions.
Ce texte s’inscrit dans une démarche de vérité et de responsabilité. Il ne s’agit pas de politiser la justice, mais de dépouiller le juridisme de sa froide neutralité, pour replacer au centre du débat public la notion de moralisation de la vie publique. À travers l’analyse d’affaires emblématiques survenues sous les régimes de Joseph Kabila et de Félix Tshisekedi, ce plaidoyer invite à repenser la justice comme un pilier de refondation de l’État, une arme contre la corruption, et une promesse de dignité rendue aux citoyens.
I. La banalisation de la prédation : une constante sous plusieurs régimes
L’histoire institutionnelle récente de la RDC est jalonnée de scandales qui révèlent une constante : l’appropriation illicite de ressources publiques par des élites politiques, souvent dans l’impunité la plus totale.
1. Sous le régime de Joseph Kabila
Sous le régime de Joseph Kabila, des enquêtes de presse internationale et des ONG spécialisées (Congo hold-up) ont révélé des circuits opaques de détournements de fonds impliquant des proches du pouvoir, notamment via des sociétés écrans et des comptes offshore. Ce système de prédation a gangréné l’État, affaibli les services publics, et accentué la pauvreté malgré des décennies d’aide internationale. Voici à titre illustratif, quelques scandales financiers.
• Le scandale de Bukanga Lonzo
Ce Projet emblématique censé relancer l’agriculture nationale avec plus de 200 millions de dollars injectés, a tourné au fiasco absolu. Aucune infrastructure viable, aucun emploi durable, aucun impact sur la sécurité alimentaire. Le récent procès n’a fait qu’effleurer la surface d’un système de détournement tentaculaire.
• Le scandale des 138 millions USD (Révélations “Congo Hold-Up”)
En novembre 2021, une enquête journalistique internationale baptisée Congo Hold-Up (pilotée par le consortium European Investigative Collaborations avec Mediapart, RFI, Le Soir, etc.) a révélé que au moins 138 millions de dollars de fonds publics ont transité entre 2013 et 2018 à travers la banque BGFI Bank RDC vers des entreprises liées à Joseph Kabila. Des fausses factures, surfacturations et sociétés écrans ont été utilisées pour siphonner des fonds du Trésor public et de la Banque centrale. Ce système illustre l’utilisation d’instruments financiers d’État pour enrichir un cercle restreint autour du pouvoir présidentiel.
• Le dossier de la Gécamines
La gestion opaque de la Gécamines, principale entreprise minière publique, a été dénoncée par l’ONG Global Witness. Entre 2011 et 2014, plus de 750 millions USD de revenus miniers auraient disparu, sans être retracés dans les comptes du Trésor public.
• Contrats miniers avec Dan Gertler
Le milliardaire israélien Dan Gertler, proche personnel de Joseph Kabila, a obtenu plusieurs contrats miniers et pétroliers en RDC à des conditions extrêmement avantageuses, souvent sans appels d’offres transparents.
Selon le Rapport de la Banque mondiale (2013), ces contrats auraient fait perdre plus de 1,36 milliard USD de recettes à l’État congolais. Ainsi, le Trésor public a été privé de ressources vitales pour les services sociaux.
• Le détournement des fonds de la SNEL (Société nationale d’électricité)
Des audits internes ont révélé des cas de détournements de fonds massifs au sein de la SNEL au cours des années 2010, avec des surfacturations d’équipements et des contrats non exécutés. Cela a entrainé l’aggravation de la crise énergétique, le manque d’investissement dans les infrastructures ainsi que des blackouts persistants.
• Détournement des fonds de la reconstruction post-conflit (2003–2006)
Après les Accords de Sun City, des fonds d’appui à la reconstruction ont été alloués par les bailleurs internationaux. Plusieurs enquêtes ont révélé qu’une grande partie de ces montants a été détournée via des marchés publics fictifs ou des projets inachevés, notamment dans les infrastructures et la réhabilitation des routes. Ceci a contribué à la perception négative de la coopération internationale et à la dégradation de la crédibilité de l’État.
• L’affaire des « fonds secrets » de la Présidence
Des rapports parlementaires confidentiels ont documenté l’existence de comptes spéciaux à la Présidence de la République, alimentés directement par le Trésor, échappant à tout contrôle de la Cour des comptes. Ces fonds auraient servi à financer des activités politiques, des voyages privés et des “cadeaux” à certains dignitaires du régime Kabila.
• Le cas des fonds destinés à la CENI (Commission électorale nationale indépendante)
Plusieurs centaines de millions de dollars ont été alloués à la CENI pour l’organisation des élections de 2011 et 2018. Des audits ont montré l’absence de justificatifs pour une grande partie des dépenses, notamment pour l’achat de matériel électoral et la logistique. L’impact de cela a été la perte de confiance dans les processus électoraux et soupçons de manipulation par le régime en place.
Comme sous le régime Mobutu, on constate que le régime Kabila a été marqué par une prédation étatique systémique, où l’exploitation des ressources naturelles, les marchés publics et les flux financiers de l’État ont été mis au service d’un système de rente capté par une élite restreinte. La quasi-absence de procès ou de reddition de comptes à la fin du régime a accentué l’impunité, sapant les bases de l’État de droit.
2. Sous le régime de Felix Tshisekedi
Sous Félix Tshisekedi, l’espoir d’un renouveau s’est rapidement heurté à la reproduction de pratiques anciennes.
Plusieurs affaires ayant éclaté sous l’actuel régime illustrent une dérive préoccupante : l’institutionnalisation d’un détournement « modernisé », parfois maquillé sous des projets de développement ou des politiques publiques ambitieuses.
• Le Programme des 100 jours : un symbole de malversations
Lancé en 2019 pour marquer les débuts du mandat présidentiel, le Programme des 100 jours visait à améliorer les infrastructures et les conditions de vie des Congolais. Cependant, il est rapidement devenu le théâtre de détournements massifs. Il y a eu une condamnation à 20 ans de travaux forcés pour le détournement de plus de 50 millions de dollars destinés à la construction de 1 500 maisons préfabriquées. Bien que cette condamnation ait été réduite en appel, puis annulée, elle a mis en lumière les failles systémiques dans la gestion des fonds publics
• Les Jeux de la Francophonie (2023)
Prévus avec un budget de 48 millions USD, ils en ont englouti plus de 324 millions, sans appel d’offres clair ni traçabilité suffisante, selon l’IGF. L’Inspection Générale des Finances (IGF) a révélé des cas de surfacturation et de mauvaise gestion, illustrant une fois de plus les dérives dans l’utilisation des fonds publics.
• La taxe RAM (registre des appareils mobiles)
Initialement présentée comme une initiative de régulation visant à lutter contre l’importation de téléphones contrefaits et à sécuriser les communications mobiles en RDC, la taxe RAM s’est rapidement muée en prélèvement opaque et impopulaire. Prélevée automatiquement sur les crédits téléphoniques des usagers, souvent à leur insu, elle a permis à l’État de récolter plusieurs dizaines de millions de dollars, sans qu’aucun mécanisme clair de gestion, d’affectation ou de contrôle de ces fonds ne soit mis en place.
La destination finale des sommes collectées n’a jamais été expliquée de manière transparente, provoquant un tollé au sein de l’opinion publique et de nombreuses protestations de la société civile, qui a dénoncé une taxe inconstitutionnelle, socialement injuste et économiquement perturbatrice.
Pour beaucoup, la taxe RAM est devenue le symbole d’un État fiscaliste déconnecté des réalités sociales, imposant de nouvelles charges à une population déjà vulnérable, sans contrepartie visible en termes de service ou de sécurité.
• Détournements au Parlement : des dépenses injustifiées
Entre 2021 et 2023, le Parlement congolais a dépensé environ 1,1 milliard de dollars, dont 303 millions débloqués sans contrôle et 309 millions sur un fonds spécial sans justification. Des achats douteux, tels que 26 bus pour 90 millions de dollars, ont été signalés, mettant en évidence une gestion financière opaque au sein des institutions législatives
• Les 750 000 dollars versés à l’IGF par la Gécamines
La révélation d’un versement de 750 000 dollars américains par la Gécamines à l’Inspection générale des finances (IGF), prétendument pour la formation de ses cadres, a suscité un malaise profond dans l’opinion publique et les milieux institutionnels. Si la formation continue du personnel constitue en principe un investissement légitime, le caractère inhabituel et non transparent de cette transaction soulève de sérieuses interrogations sur l’éthique administrative et l’indépendance de l’organe de contrôle.
En effet, l’IGF, en tant qu’institution de vérification et de redevabilité chargée de veiller à la bonne gestion des finances publiques, ne saurait entretenir des relations financières directes avec les entités qu’elle est appelée à auditer. Ce type de transfert financier crée un conflit d’intérêts manifeste, portant atteinte à la crédibilité de l’IGF et affaiblissant la perception de son impartialité.
Le fait que ce paiement ait donné lieu à une convocation officielle de l’inspecteur général par le procureur près la Cour des comptes confirme la gravité des soupçons et la nécessité de clarifier les modalités, la justification et les implications de cette opération. Dans un contexte où la lutte contre la corruption exige une rigueur irréprochable de la part des institutions de contrôle, cette affaire met en lumière les risques de collusion, même au sein des structures censées incarner la probité.
• Scandale des forages et lampadaires
Un projet gouvernemental de près de 400 millions USD destiné à l’installation de stations d’eau et de lampadaires solaires a suscité de vives critiques en raison de soupçons de surfacturation, notamment avec un coût unitaire de près de 297 000 USD par forage, jugé excessif par la société civile.
Ce dossier a ravivé les accusations de justice à double vitesse : alors que l’ancien ministre du Développement rural, François Rubota, a été poursuivi devant la Cour de cassation, l’ancien ministre des Finances, Nicolas Kazadi, pourtant cité dans l’affaire, a été rapidement disculpé, faute d’éléments à charge selon le procureur. Cette différence de traitement a alimenté la polémique sur l’indépendance et l’impartialité de la justice en matière de crimes économiques.
• Projet de construction d’une prison à Kisangani : 39 millions USD en question
Un projet de construction d’une prison à Kisangani, estimé à 39 millions de dollars, est au cœur d’une controverse majeure en RDC. Une avance de 19 millions de dollars aurait été versée à Zion Construction SARL, une entreprise récemment créée, sans approbation préalable de la Première ministre ni respect des procédures de passation des marchés publics. Les fonds proviendraient du FRIVAO, un fonds destiné aux réparations de guerre versées par l’Ouganda, sous la tutelle du ministère de la Justice. Face à ces soupçons de détournement, la Cellule nationale des renseignements financiers (CENAREF) a bloqué le transfert, et le procureur général a demandé la levée de l’immunité parlementaire du ministre de la Justice, Constant Mutamba, pour permettre une enquête judiciaire approfondie.
Ces cas récents illustrent la persistance d’un mal systémique : la confusion entre les intérêts de l’État et ceux de groupes ou individus influents. Ils démontrent également les limites des mécanismes de contrôle internes, souvent instrumentalisés ou contournés.
Ces scandales mettent en évidence la nécessité d’une réforme en profondeur des institutions congolaises pour instaurer une culture de transparence, de responsabilité et de bonne gouvernance. La lutte contre la corruption doit être une priorité pour restaurer la confiance des citoyens et assurer un développement durable en RDC.
II. Le coût humain de la corruption : entre tragédie sociale et désintégration de l’État
Au-delà des montants astronomiques détournés, la corruption en RDC se manifeste comme une tragédie humaine silencieuse et continue. Elle n’est pas simplement une transgression comptable ou une irrégularité de gestion ; elle est une violence structurelle, lente mais profonde, qui prive des millions de Congolais de leurs droits fondamentaux. Chaque dollar détourné au détriment d’un hôpital, d’une école, d’un programme de vaccination ou d’un forage d’eau potable se traduit concrètement par des vies mises en danger, des enfants déscolarisés, des femmes qui accouchent sans assistance médicale, et des villages entiers livrés à l’abandon.
Les conséquences de cette corruption endémique sont multiples et systémiques. Elle entraîne l’effondrement progressif des services sociaux de base, où les infrastructures sanitaires sont délabrées, le personnel médical et enseignant démotivé ou impayé, et les populations privées d’accès aux soins et à l’éducation. Elle nourrit également un sentiment généralisé d’injustice et de frustration, creusant davantage le fossé entre une minorité de privilégiés enrichis par la prédation des deniers publics et une majorité accablée par la pauvreté et l’exclusion. Cette dynamique affaiblit dangereusement la cohésion sociale, attise les tensions communautaires, alimente la violence locale et accentue le repli identitaire dans plusieurs régions du pays.
En outre, la corruption contribue à la désintégration progressive du lien civique. Elle fragilise le rapport des citoyens à l’État, réduit leur confiance dans les institutions et encourage le désengagement politique, voire la radicalisation. Lorsque l’impunité devient la norme, que la méritocratie est étouffée et que la justice semble réservée aux faibles, la démocratie perd de sa substance. L’État lui-même, censé incarner l’intérêt général, se vide de toute légitimité perçue.
Ainsi, en RDC, la corruption ne constitue pas seulement un frein au développement économique : elle est un facteur direct d’instabilité, de pauvreté et de délitement institutionnel. C’est pourquoi elle doit être combattue non seulement comme un délit pénal, mais comme une urgence sociale et un enjeu de survie collective.
IV. Entre juridisme et cynisme politique : la justice comme arme ou comme espoir ?
Si la justice doit rester indépendante et respectueuse des droits de la défense, elle ne peut pour autant devenir un alibi technique pour protéger les puissants. En RDC, la judiciarisation sélective de certains dossiers, au détriment d’autres pourtant plus lourds, alimente un sentiment d’injustice et d’impunité. Elle conforte l’idée que la loi est un outil de vengeance, non un instrument d’équité.
Or, il est temps de replacer la redevabilité au cœur du débat. Le peuple congolais a le droit de savoir ce qui est fait de ses ressources. Il a le droit d’exiger que les responsables, quels qu’ils soient, rendent compte de leur gestion. La justice, ce n’est pas seulement l’application froide du droit, c’est aussi un acte de restauration morale et politique.
V. Plaidoyer pour une justice de vérité et de transformation : un impératif pour la refondation de l’État
Dans le contexte congolais, où la défiance à l’égard des institutions est devenue structurelle et où l’impunité s’est enracinée comme un mode de gouvernance, il ne s’agit plus simplement d’ajuster les mécanismes de contrôle existants. Il faut repenser la justice comme un pilier fondamental de la refondation de l’État. Une justice de transformation ne vise pas uniquement à sanctionner des actes répréhensibles, mais à restaurer le lien de confiance entre gouvernants et gouvernés, à réaffirmer l’égalité de tous devant la loi, et à redonner à l’État sa légitimité en tant qu’arbitre impartial du bien commun.
Cela suppose d’abord l’institutionnalisation de mécanismes permanents d’audit citoyen des finances publiques, où la population peut, à intervalles réguliers, demander des comptes à ceux qui gèrent les ressources nationales. Une telle transparence ne peut être effective sans une justice réellement indépendante. Il est donc urgent de garantir aux magistrats une protection contre toute forme de pression politique ou d’interférence, afin qu’ils puissent juger en toute sérénité, sans craindre pour leur carrière ou leur sécurité.
La refondation de l’État passe également par un renforcement des obligations de transparence des élites. La loi sur la déclaration de patrimoine des hauts fonctionnaires et élus, souvent vidée de sa substance, doit non seulement être élargie à toutes les sphères de responsabilité publique, mais aussi être appliquée avec rigueur, dans une logique de prévention des conflits d’intérêts et d’accumulation illicite de richesses.
Par ailleurs, les efforts fournis par les organes de contrôle comme l’Inspection générale des finances (IGF), la Cellule nationale des renseignements financiers (CENAREF) ou encore l’Agence de prévention et de lutte contre la corruption (APLC) ne doivent plus rester lettre morte. Leurs rapports doivent systématiquement déboucher sur des poursuites judiciaires crédibles, menées sans considération de statut ou d’appartenance politique.
Enfin, une justice de transformation ne peut exister sans une société civile forte, informée, et protégée. Des initiatives comme celle de la coalition “Le Congo n’est pas à vendre” (CNPAV), avec le prix Kanyaka qui récompense les figures de l’intégrité, montrent que des formes citoyennes d’alerte et de mobilisation sont possibles et nécessaires. Leur reconnaissance et leur protection doivent devenir une priorité institutionnelle, car elles incarnent un contre-pouvoir essentiel au bon fonctionnement démocratique.
Refonder l’État congolais sur des bases solides implique de replacer la justice au cœur du contrat social, non comme une simple institution judiciaire, mais comme un levier de moralisation, d’équité et de transformation collective. Sans ce rééquilibrage fondamental, toute réforme structurelle risque d’être vaine, car bâtie sur un socle miné par la suspicion, l’arbitraire et l’impunité.
Conclusion : pour une éthique républicaine de la gestion publique
Le défi auquel fait face la République démocratique du Congo ne relève pas uniquement du droit, mais d’un choix moral et civilisationnel. Il ne s’agit plus simplement de sanctionner quelques dérapages individuels, mais de refonder un rapport sain entre l’État et ses citoyens, fondé sur la vérité, la justice et la redevabilité. La corruption et l’impunité, lorsqu’elles deviennent structurelles, déshumanisent l’action publique, fragilisent les institutions et détruisent le lien social. Elles nourrissent la défiance, sapent les efforts de développement et étouffent toute dynamique de réforme.
Refuser de traiter avec rigueur les crimes économiques, c’est entretenir un climat de résignation et de cynisme, où la loi cesse d’être un repère pour devenir un instrument à géométrie variable, réservé aux faibles. À l’inverse, affronter courageusement les dérives, poursuivre les auteurs de détournements, restaurer l’équilibre entre les droits et les devoirs dans la gestion publique, c’est rétablir la dignité de la République et la force de l’exemple.
Il ne s’agit pas ici de politiser la justice, mais de reconnaître que l’impunité, elle, est éminemment politique. Réconcilier le droit avec la vérité, la justice avec l’équité, la gouvernance avec l’éthique, tel est le défi fondamental à relever pour éviter que les lois ne deviennent des boucliers au service des puissants, et que l’État ne se transforme en coquille vide.
Moraliser la vie publique n’est pas un luxe, c’est une urgence démocratique. C’est la condition de la paix sociale, du progrès partagé et de la restauration du contrat social. C’est aussi, peut-être, la dernière opportunité pour la RDC de prouver qu’un autre avenir est possible ; un avenir où la justice ne sera plus un espoir abstrait, mais une réalité vécue et ressentie par tous.
Dédé Watchiba, Professeur d'Universités, chercheur et analyste politique.